DEX

Exchanges décentralisés, caractéristiques et exemples

Depuis 2017, d’innombrables plates-formes d’échange de crypto-actifs ont vu le jour. La plupart se sont contentées de suivre le même modèle que tous les autres sites Internet que nous avons connu jusqu’à récemment.

Autrement dit, il s’agit de plates-formes centralisées. Ces dernières sont sujettes à la volonté de leurs créateurs, et pour les utiliser, il est nécessaire de leur confier vos fonds.

C’est donc tout naturellement que de nombreux autres projets ont vu le jour, visant à mettre en place des exchanges décentralisés. Étant donné l’engouement des foules pour ces plates-formes, ainsi que l’absence totale de compréhension du terme, la simple mention du mot « décentralisé » suffit à démultiplier la notoriété du projet.

En conséquence, beaucoup ont choisi de qualifier leur exchange de « décentralisé ». Pour démêler le vrai du faux, il est nécessaire de comprendre exactement ce qu’est un exchange décentralisé.

Nous allons donc analyser les caractéristiques que doivent avoir des exchanges pour être qualifiables de décentralisés, puis les mettre en pratique sur quelques exemples.

La décentralisation n’est pas une qualité réellement mesurable. Toutefois, avec les bons critères, il est possible d’établir des degrés de décentralisation, en fonction de la quantité d’objectifs atteints.

Indépendance de la plate-forme

Avant de mentionner tout ce qui touche à l’achat/vente de crypto-actifs, il faut parler d’un élément souvent oublié : celui de l’indépendance vis-à-vis du créateur (ou de toute autre autorité similaire).

En effet, lorsqu’un propriétaire d’exchange décentralisé détient la possibilité de modifier unilatéralement l’ensemble de la plate-forme, alors l’exchange n’est pas fondamentalement décentralisé.

Même si tous les autres critères sont respectés, le créateur constitue en lui-même un élément de centralisation, car des pressions gouvernementales ou judiciaires (entre autres) suffiraient pour l’obliger à empêcher la plate-forme de fonctionner.

Pour qu’un site d’échange soit qualifiable de 100% décentralisé, il faut donc qu’en plus des autres caractéristiques, le réseau puisse fonctionner même en allant à l’encontre de la volonté de son créateur, que chaque mise à jour soit facultative…

Anonymat

L’anonymat est une caractéristique également importante, tant pour le créateur que pour les utilisateurs.

D’abord pour le créateur, parce que lorsque la plate-forme dépend de lui, l’anonymat peut le protéger de toute pression extérieure. L’exchange est donc, de la même manière, protégé par cet anonymat.

Ensuite, pour les utilisateurs, parce que leur anonymat les protège également de toute influence extérieure, y compris celle du créateur. Tous les procédés dits KYC, visant à connaître l’identité des utilisateurs des exchanges, permet le blocage et le pistage des utilisateurs.

Mais ce ne sont pas les seules manières d’identifier les utilisateurs : par exemple, l’exchange décentralisé IDEX, parmi d’autres, bloque les visiteurs disposant d’une adresse IP située dans l’État de New-York.

Dès lors que les utilisateurs de la plate-forme peuvent être exclus par la seule volonté une autorité centrale, alors la décentralisation est imparfaite.

Cela étant dit, l’anonymat des utilisateurs est aujourd’hui plus ou moins une fiction, puisque la vaste majorité des crypto-actifs ne protègent en aucun cas l’identité des personnes effectuant des transactions. Et le nombre de crypto-actif permettant à la fois la préservation de l’anonymat ainsi que l’usage de contrats intelligents à grande échelle se compte sur les doigts d’une main…

Nous pouvons donc considérer la protection de l’anonymat des utilisateurs comme un « point bonus », plutôt qu’un critère obligatoire à l’heure actuelle.

Fonctionnalités relatives à l’achat et à la vente

Lorsqu’un exchange procède à une vente entre deux parties, plusieurs actions sont réalisées :

  • Un ordre est placé dans le carnet d’ordres,
  • Il est comparé à d’autres ordres jusqu’à en trouver un qui correspond aux critères choisis,
  • Les actifs sont échangés entre deux adresses.

Si la plateforme est centralisée, il est possible de manipuler les clients de plusieurs manières. Notamment, lorsqu’il s’agit de choisir quels ordres auront la priorité : un exchange malhonnête pourrait choisir de prioriser les ordres émis par ses partenaires et laisser les clients sur le carreau.

Pour qu’un exchange soit qualifiable de décentralisé, il est important que le réseau puisse procéder à cela de manière autonome. Autrement dit, que tout un chacun soit libre de mettre en place un nœud réseau, et de participer au fonctionnement de l’exchange.

Cependant, la diffusion sur l’ensemble du réseau des ordres émis, le choix des priorités, tout cela consomme beaucoup de données lorsque le volume d’échange augmente.

Ainsi, les exchanges décentralisés sont tous confrontés au même problème : la rapidité de la technologie actuelle. A cause de cette limite, il est souvent difficile d’atteindre des volumes d’échange élevés, d’où l’absence de ces plates-formes en haut de Coinmarketcap.

Il existe plusieurs moyens pour mitiger ce problème : par exemple, offrir une gestion des carnets d’ordres en « off-chain », c’est-à-dire en dehors de la blockchain, sans publier le carnet sur le réseau (exemple : 0x). Dans ce cas, la rapidité est supérieure mais la sécurité est un peu moindre, puisque la chronologie des ordres est plus difficilement vérifiable.

Aucune de ces solutions n’étant parfaite, la plupart des échanges décentralisés ont assez peu de volume à l’heure actuelle, ce qui entraîne une liquidité et un nombre d’utilisateurs assez bas.

Détention des crypto-actifs

Nous parlons ici de la caractéristique la plus fondamentale d’un échange décentralisé : l’idée que l’utilisateur doit être seul maître de ses actifs.

C’est l’essence même de la décentralisation : aucun intermédiaire ne doit manipuler les actifs échangés. La transaction doit être réalisée de pair à pair.

En pratique, certains exchanges décentralisés, tels qu’IDEX, demandent à ce que les fonds des utilisateurs soient placés dans un smart contract. C’est une solution pratique pour éviter la mise en place d’ordres que les utilisateurs ne peuvent pas remplir, mais cela signifie que l’utilisateur ne détient pas vraiment ses fonds.

Cela peut donner l’illusion de décentralisation et de sécurité, mais la vérité que peu de gens acceptent, c’est que les smart contracts ne sont en aucun cas une garantie de sécurité. Parce qu’un contrat intelligent n’est rien d’autre qu’un programme écrit par des humains, et qu’il est donc susceptible de contenir des bugs ou autres vulnérabilités.

Pour rappel : l’année dernière, des étudiants avaient publié cette analyse, dans laquelle ils ont constaté que 34.000 contrats intelligents étaient sujets à des vulnérabilités importantes.

Les exchanges décentralisés ne font pas exception à la règle. Il faut donc absolument garder à l’esprit que leur sécurité n’est pas forcément aussi grandiose qu’elle apparaît.

L’autre chose qu’il faut savoir, c’est que la détention des actifs par l’utilisateur limite souvent la capacité des exchanges décentralisés à incorporer un grand nombre de crypto-actifs. Dans le cas de ceux basés sur l’Ethereum, comme IDEX et ForkDelta, la gestion des jetons Ethereum est simple et permet d’avoir beaucoup de paires différentes. Mais ce n’est pas le cas de toutes. Certains exchanges décentralisés ont donc une sélection très réduite de crypto-actifs.

Analyse de quelques exchanges décentralisés existants

Connaissant désormais les caractéristiques idéales d’un exchange décentralisé, nous allons pouvoir constater qu’en vérité, il en existe peu qui soient qualifiables de décentralisés.

EtherDelta

Très certainement le plus connu des exchanges décentralisés, ce dinosaure est aujourd’hui essentiellement disparu, mais il reste intéressant de regarder comment il fonctionnait. Question indépendance et anonymat, ni l’un ni l’autre n’étaient présents d’une quelconque manière que ce soit.

Le créateur, ayant revendu son site à ce jour, a même fait l’objet de poursuites judiciaires aux Etats-Unis et a fini par payer environ 400 000 dollars pour avoir mis en place un site d’échange de securities (notion juridique désignant les actions traditionnelles) sans la licence appropriée.

En outre, la gestion des ordres était réalisée sur les serveurs d’EtherDelta, ce qui réduisait la sécurité de l’ensemble. Et dans le cas d’Ether Delta, cela n’accélérait même pas le processus. En d’autres mots, ce site avait tous les inconvénients et aucun avantage.

Enfin, pour ce qui est de la détention des actifs : ils devaient être placés dans un smart contract. Une solution intermédiaire, imparfaite, comme nous avons pu le voir ci-dessus.

En conclusion, EtherDelta n’était pas vraiment décentralisé. Tout au plus, il s’agissait d’un exchange hybride : un effort de décentralisation a été fait, mais l’essentiel demeurait centralisé.

Blocknet

Le projet Blocknet, visant à mettre en place un réseau global décentralisé et offrant toute une panoplie de fonctions différentes, comprend notamment un exchange.

La plate-forme est théoriquement indépendante du créateur, puisque tout le code est open source. En conséquence, un changement initié par ce dernier et refusé par la communauté pourrait aisément être repoussé par le biais d’une sécession (ou fork).

Pour ce qui est de l’anonymat, les deux co-créateurs sont connus du public ; toutefois, c’est également largement mitigé par la publicité du code. Si les développeurs devaient subir des pressions et abandonner le projet, n’importe qui pourrait continuer à leur place.

La gestion des ordres, elle, est effectuée directement sur le réseau, et non pas par des serveurs centralisés. En outre, le logiciel propose aux utilisateurs de générer leur propre nœud réseau pour chacun des crypto-actifs qu’ils souhaitent acheter ou vendre, par défaut, sans qu’une manipulation complexe soit nécessaire. Les utilisateurs peuvent donc aisément être complètement indépendants, y compris du reste du réseau. Difficile de faire mieux.

L’exchange offre même la possibilité de lister n’importe quel crypto-actif gratuitement, bien qu’il soit recommandé de demander des conseils à leur équipe pour la mise en place du système. Quant aux limites de paires, elles n’existent pas. Virtuellement, pour chaque crypto-actif ajouté au système, une paire devient disponible avec l’ensemble des autres crypto-actifs disponibles.

Enfin, les actifs sont uniquement stockés dans les portefeuilles des utilisateurs.

L’exchange est donc véritablement décentralisé, une bouffée d’air frais dans ce milieu où une part non négligeable de ses concurrents fait tout simplement de la publicité mensongère. Le seul inconvénient, c’est le petit nombre d’utilisateurs, ce qui amène à un volume rachitique variant entre 1 000 et 10 000 dollars par jour sur les quatre derniers mois…

IDEX

Ayant aujourd’hui remplacé EtherDelta en tant qu’empereur des exchanges de jetons Ethereum, ce dernier n’est pas beaucoup mieux d’un point de vue décentralisation à l’heure actuelle.

Le propriétaire du site n’est pas anonyme, et il se soumet bien volontiers aux pressions des divers gouvernements, comme ont pu le constater les utilisateurs vivant dans l’État de New-York qui se sont retrouvés exclus automatiquement.

Pour ce qui est de la gestion des ordres, elle est effectuée par les serveurs IDEX, qui sont en outre les seuls à pouvoir émettre des transactions sur le réseau Ethereum. Ce système a toutefois le bénéfice d’augmenter grandement la rapidité des trades, permettant ainsi une expérience similaire à celle des exchanges centralisés.

Les actifs, eux, sont encore détenus par le biais d’un smart contract.

Il s’agit donc, en quelque sorte, d’une version légèrement améliorée d’EtherDelta, un site également hybride. Il n’est pas qualifiable de décentralisé, mais est au moins suffisamment rapide pour échanger des jetons Ethereum comme si l’on était sur un site 100% centralisé.

0x Network

Vous avez certainement déjà lu notre article sur le protocole 0x. Je vais donc me contenter de rappeler brièvement ses caractéristiques :

  • Open source, donc relativement indépendant de ses créateurs,
  • Créateurs connus, mais sans que cela pose de risque grâce au caractère open source du projet,
  • Gestion des ordres semi-décentralisée : assemblage des ordres réalisée hors-chaîne, mais par les nœuds réseau des participants (et non pas par les nœuds réseau des créateurs, contrairement à IDEX),
  • Détention des actifs uniquement par les utilisateurs.

Nous avons donc, avec 0x, un protocole d’échange décentralisé performant, nettement plus méritant de ce titre qu’IDEX et ForkDelta. Toutefois, comme ces deux derniers, il ne permet d’échanger que de l’Ether ainsi que des jetons Ethereum.

Binance DEX

Après moult publicités, et une multiplication par trois du prix de son jeton BNB, Changpeng Zhao a finalement dévoilé les caractéristiques de son nouvel exchange « décentralisé », il y a quelques temps. Qu’en est-il exactement ?

Premièrement, cet exchange n’est pas open source, et il a été créé par une société qui a déjà été contrainte de fuir plusieurs pays (Chine, Japon et Taïwan), pour finir par atterrir à Malte. Et ce n’est pas pour profiter des plages de Malte que la société Binance s’est retrouvée sur l’île…

L’exchange n’est donc clairement pas indépendant de son créateur, et ce dernier, qui n’est pas anonyme, a déjà subi les pressions de plusieurs gouvernements par le passé. Et c’est loin d’être le seul problème.

Il faut savoir que le réseau fonctionnera sur la Binance Chain, c’est-à-dire la blockchain du BNB, le crypto-actif de Binance, contrôlé unilatéralement par la société.

Sur cette chaîne, un total de onze nœuds dédiés à la gestion de l’exchange existeront, et ils seront tous la propriété de la société. La version finale du système n’a pas encore été publiée, mais il semblerait que cette limite de 11 nœuds soit définitive.

Face à d’autres crypto-actifs, détenant entre 21 et plusieurs milliers de nœuds, on est en droit de se poser des questions sur l’aspect décentralisé de la chose.

Mais ce n’est pas tout : pour ce qui est de la gestion des actifs, le système envisagé semble conçu pour tromper les utilisateurs. En fait, deux types d’échanges seront permis : les atomic swaps, qui sont très lents, et les échanges de jetons créés sur la chaîne BNB, beaucoup plus rapides.

Étant donné la différence de vitesse entre les deux, il est déjà prévisible que les atomic swaps ne seront utilisés que par une toute petite minorité d’utilisateurs.

Et les autres ? Eh bien, c’est très simple : ils enverront leurs crypto-actifs sur les adresses de Binance, qui leur offrira en échange des jetons créés sur la chaîne BNB et n’ayant aucune valeur intrinsèque. Ils seront ensuite libres d’échanger ces jetons BNB sans valeur contre d’autres jetons BNB sans valeur, pendant que Binance détiendra les véritables actifs.

Les utilisateurs détiendront les clés privées de leurs adresses BNB, c’est vrai. Mais quelle utilité y a-t-il à cela lorsque ces clés privées permettent uniquement d’accéder à des « cryptos de Monopoly » ?

Il semble donc évident, à l’heure actuelle, que cette plateforme n’a rien d’un exchange décentralisé. Cela dit, l’erreur est humaine. N’hésitez pas à nous prévenir si vous apercevez une quelconque trace de décentralisation.

Conclusion

Les sites cités ci-dessus sont loin d’être les seuls. Parmi les autres exchanges décentralisés ou hybrides notoires, on peut citer : Kyber Network, BarterDEX, Bancor, WavesDEX, ForkDelta, Bisq… La liste est longue, et continue de s’allonger de jour en jour.

Certains font de véritables efforts de décentralisation, et agissent dans le but de rendre service au public.

Clairement, ce n’est pas le cas de celui de Binance, qui n’est rien de plus qu’une tentative de tromper les utilisateurs avec de la publicité mensongère, dans le but d’écraser la concurrence en profitant d’une situation avantageuse.

Nous vous suggérons donc de découvrir par vous-mêmes tout ce que les DEX peuvent offrir, et déterminer lesquels vous conviennent. Et si vous trouvez un bon plan, vous pouvez le partager avec nous dans les commentaires !

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